Par les villages
Pièce de Peter Handke mise en scène par Stanislas Nordey avec Stanislas Nordey, Véronique Nordey, Laurent Sauvage, Jeanne Balibar, Émmanuelle Béart.
Cour d'honneur du Palais des papes. Festival 2013
Les sons d'une guitare électrique emplissent le crépuscule de la Cour d'honneur ; en fond de scène, des cubes de tôle bleue deviendront bientôt des baraques d'ouvriers. Un homme entre : c'est Grégor. Il décide d'aller revoir son frère et sa sœur qui ont moins bien réussi leur vie que lui et sont restés, là-bas, au village.
Une pièce sur l'histoire familiale, donc, avec sa mémoire tortueuse et ses douleurs, qui se double d'un propos affuté sur la condition d'ouvrier et les clivages sociaux. Le texte est dense, exigeant, poétique et il est parfaitement maîtrisé par des comédiens, tous talentueux. Alors, pourquoi avoir choisi de leur greffer l'incontournable oreillette, petite cicatrice discrète sur la joue, pour amplifier leur voix et tricher avec la caisse de résonance naturelle de la Cour d'honneur ? Artificiellement portée de la sorte, même si la sonorisation est extrêmement bien faite, la voix perd sa dimension palpable, charnelle, projetée par la seule force du corps et magistralement renvoyée par ces murs depuis longtemps.
Aux voix désincarnées s'ajoute une mise en scène qui désincarne : statique, pauvre en créativité avec un décor minimaliste dénué de trouvailles : des blocs à facettes que l'on tourne et retourne, sans surprise ! Chacun déclame (bien) sa tirade pendant que ses interlocuteurs attendent leur tour pour déclamer. Parfois, la guitare électrique fait vibrer un peu ce lieu naturellement grandiose qu'une scénographie, qui ne joue pas le jeu, ne parvient pas à transcender. C'est long... On mémorise ça et là quelques pépites poétiques du texte en regrettant qu'il ne soit pas plus habilement porté par les corps, les pierres, le ciel, les étoiles d'Avignon.
À la pause, la tentation est trop forte de retrouver la place du Palais grouillante de vie, de mouvements, de sensations, loin d'une mise en scène roide qui coule dans le béton un texte qu'elle souhaite servir, sans exploiter ce que le cadre, magique, offre généreusement : première clause du contrat de tout metteur en scène venant à Avignon, il me semble.