
Non pas parce qu’elle mesure un mètre soixante- dix-huit ce qui lui confère, il est vrai, une taille respectable. Non pas parce qu’elle est née en « 69, année érotique » (comme moi d’ailleurs !) ce qui en fait une grande fille qui a atteint la maturité sans avoir renoncé à sa pétulance de petite fille. Non pas parce qu’elle a commencé la guitare à 9 ans, fondé son premier groupe à 13 et sorti son premier album : La Grande Sophie s’agrandit sous label indépendant ce qui dénote une solide expérience doublée d’une belle pugnacité.
Non. La Grande Sophie est grande parce qu’elle est humble. Dans son dernier album, elle se contente magnifiquement de « La Place du fantôme » pour nous souffler une mélancolie en clair-obscur, des détresses sans en avoir l’air, portées par des mélodies puissantes. Ce type de mélodies qu’on imprime et fredonne toute la journée, que ce soit « Ne m’oublie pas », « Bye- bye » ou « j’irai sucrer les fraises ». Et pourtant, rien d’alangui, de mou ni de complaisant : tout bouge, du rock industriel de « Bye- bye » à la balade folk « Suzanne », accompagnée à la guitalele où l’interprète nous offre les beautés de son ampleur vocale. Tout au long de l’album, on est séduit par la surprise des variations de styles et de rythmes musicaux tout en étant rasséréné par l’unité des textes, pudiques mais peuplés de troubles, sobres mais empreints de personnages, d’images, de sons qui virevoltent :
« Elle est là elle me réveille
Comme un essaim d'abeilles
La radio
Ma radio
Celle qui photographie ta voix
Ma dame de compagnie
Je l'allume et elle me suit
Avec ses ritournelles »
On ne s’étonne pas que Françoise Hardy ait sollicité la Grande Sophie pour lui écrire des chansons, on retrouve chez ces deux artistes la même pudeur modeste, le même goût pour la mélancolie veloutée dans l’écrin d’une mélodie, l’angoisse de l’abandon, de la solitude et de l’oubli :
« Ne m'oublie pas à l'époque où je n'existais plus
Ne m'oublie pas dans tes poches petit bouton perdu
Ne m'oublie pas dehors, hors de tes rêves la
réalité »
En tout cas, moi, je n’oublie pas d’emporter la Grande Sophie au bout de mes écouteurs et de mes voyages…