Amazon décoche sa flèche commerciale enflammée pour promouvoir sa toute dernière "Kindle", "la Kindle fire" aux couleurs pleines de promesses et au processeur 1,2 Ghz double coeur (diantre)! Un petit tableau comparatif fourni sur le site permet de comprendre que cette
kindle aux mensurations généreuses 19,3 cm sur 13,7 pour 395g s'apparente davantage à une tablette tactile qu'à une liseuse de poche dont le poids-plume n'excède pas, je
le rappelle, 170g, soit une petite pomme ou un gros steak à glisser dans son sac pour se repaître de mots à l'envi et à l'envieux! Car oui, osons le claironner aux sceptiques du monde
entier : la Kindle nous libère du poids des cartons de déménagement, du volume sur nos murs où ploient les étagères plus ou moins suédoises, de la distorsion de nos sacs et de nos
poches, du vide de notre porte-monnaie vers un porte-feuilles d'un milliers de pages, alors qu'on peut télécharger gratuitement les oeuvres complètes de Balzac, Zola, Dumas pour rien ou presque.
Alors...
Certes, il y a ceux qui tremblent, les fragiles sentimentaux accrochés au bruissement de leurs feuillets, agrippés à la rigidité rassurante de
couvertures qui, opportunément, peuvent devenir des tapettes à mouches, moustiques ou des pare-soleil pour siester sur la plage. Parmi eux, les plus sportifs, à la mauvaise foi protéinée,
prétendront que Belle du Seigneur à bout de bras permet d'entretenir ses pectoraux: soit! J'imagine que si un chinois de la dynastie des Chang,
1700 ans AV J.C, débarquait aujourd'hui, il souhaiterait écrire et lire sur des écailles de tortue, comme le moine copiste ne jurerait que par le veau mort-né (le fameux vélin!). Tous
repousseraient vigoureusement ce parallélipipède rectangle diabolique qui contient les délices d'une bibliothèque cachée. A la volupté du papier, répond la volupté de la dissimulation : mais
que dévore-t-il/elle avec tant de concentration sur sa banquette de bus? Le bonheur de la possession complète : eh bien oui, dans ce parc, maintenant, tout de suite, je vais me délecter, en
écho,de la première page de "Combray" à la dernière du Temps retrouvé...
Ensuite, libre à moi de partager sur le net ou avec le comité de lecteurs de mon quartier ou avec mes proches.
"To kindle" c'est allumer, enflammer, embraser...La dernière d'Amazon, la "fire" est donc peut-être un peu redondante,
quoi qu'il en soit, ces petites aînées ( notamment la touch qui facilite quand même la prise de notes) incendient déjà, non pas les livres ( contrairement à ceux que prétendent les vieilles
Cassandre) mais les lecteurs libérés!