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29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 10:28
Pourquoi la Grande Sophie est-elle grande ?laplacedufantome.jpg

 

Non pas parce qu’elle mesure un mètre soixante- dix-huit  ce qui lui confère, il est vrai, une taille respectable. Non pas parce qu’elle est née en « 69, année érotique » (comme moi d’ailleurs !) ce qui en fait une grande fille qui a atteint la maturité sans avoir renoncé à sa pétulance de petite fille.  Non pas parce qu’elle a commencé la guitare à 9 ans, fondé son premier groupe à 13 et sorti son premier album : La Grande Sophie s’agrandit  sous label indépendant ce qui dénote une solide expérience doublée d’une belle pugnacité.

Non. La Grande Sophie est grande parce qu’elle est humble. Dans son dernier album, elle se contente magnifiquement de « La Place du fantôme » pour nous souffler une mélancolie en clair-obscur, des détresses sans en avoir l’air, portées par des mélodies puissantes. Ce type de mélodies qu’on imprime et fredonne toute la journée, que ce soit « Ne m’oublie pas », « Bye- bye » ou « j’irai sucrer les fraises ». Et pourtant, rien d’alangui, de mou ni de complaisant : tout bouge, du rock industriel de « Bye- bye » à la balade folk « Suzanne », accompagnée à la guitalele où l’interprète nous offre les beautés de son ampleur vocale. Tout au long de l’album, on est séduit par la surprise des variations de styles et de rythmes musicaux tout en étant rasséréné par l’unité des textes, pudiques mais peuplés de troubles, sobres mais empreints de personnages, d’images, de sons  qui virevoltent : 

« Elle est là elle me réveille

Comme un essaim d'abeilles
La radio
Ma radio
Celle qui photographie ta voix
Ma dame de compagnie
Je l'allume et elle me suit
Avec ses ritournelles »

 

On ne s’étonne pas que Françoise Hardy ait sollicité la Grande Sophie pour lui écrire des chansons, on retrouve chez ces deux artistes la même pudeur modeste, le même goût pour la mélancolie veloutée dans l’écrin d’une mélodie, l’angoisse de l’abandon, de la solitude et de l’oubli :

 « Ne m'oublie pas à l'époque où je n'existais plus
    Ne m'oublie pas dans tes poches petit bouton perdu
    Ne m'oublie pas dehors, hors de tes rêves la réalité »

En tout cas, moi, je n’oublie pas d’emporter la Grande Sophie au bout de mes écouteurs et de mes voyages…

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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 20:01

            Au hasard d'un feuilletage poétique à but ( plus pour très longtemps encore...) pédagogique, je tombe sur un célèbre poème de Desnos que j'avais découvert au lycée et qui m'avait, à l'époque, émue au point de me laisser chiffonnée comme une salade, vous voyez, ces grands coups d'émotion de l'adolescence. J'avais copié le poème et l'avais accroché à la porte de ma chambre. Aujourd'hui, vingt-six années plus tard, l'émerveillement demeure intact. Jeunesse éternelle de l'émerveillement poétique, alors, je le copie sur mon blog pour offrir cet émerveillement à qui voudrait le prendre. J'ai bien dit "émerveillement" et non pas support inclus dans quelque liste de bac!

 

J'ai tant rêvé de toi..

 

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère?

J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués, en étreignant ton ombre, à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.

Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.

O balances sentimentales.

J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille.

Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venus.

J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allègrement sur le cadran solaire de ta vie.

 

       " A la mystérieuse"

        "Corps et Biens" Robert Desnos ( Gallimard)

 

 

 

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 14:32

          Dietrich Fischer-Diskau s'est, à son tour, laissé glisser dans les bras du roi des Aulnes qu'il a si sublimement interprêté... A quatre-vingt- sept ans, le baryton irremplaçable casse sa pipe tandis que résonnent encore dans nos têtes les inflexions ironiques du Comte Almaviva, les vocalises rigoureuses et légères des cantates de Bach, les nuances infinies des lieders de Schubert ou de Strauss....Mais aussi, Mahler, Britten et tant d'autres qu'il a servi royalement de sa voix veloutée mais incisive. Sans parler de son aptitude à se couler dans l'intelligence d'un rôle, de circonscrire le sens d'une mesure pour nous en divulguer toute la richesse.

           Ami mélomane, rends-toi sans tarder sur" you tube" pour réécouter, justement "Der Erkönig" ( "Le Roi des Aulnes") cette ballade musicale composée par Schubert en 1815 sur un poème fantastique de Goëthe ( daté de 1782).

          Un père galope en serrant son fils dans ses bras. Tout à coup, celui-ci a des hallucinations, il aperçoit une créature, c'est le roi des aulnes qui tente de le séduire : "Père, ne vois-tu pas le roi des aulnes avec sa couronne et ses longs cheveux?" "Gentil enfant, veux-tu me suivre? Mes filles auront grand soin de toi...". Le chanteur interprête tour à tour le narrateur, le père, l'enfant, le roi des aulnes dans ce dialogue onirique de vie et de mort que le piano suit à grand galop jusqu'à la fin...

          Evoquer une oeuvre nous donne souvent l'occasion de rendre hommage à une autre, construite en écho. "Le Roi des Aulnes" c'est également un merveilleux roman de Michel Tournier ( Prix Goncourt en 1970). Il relate l'histoire d'Abel Tiffauges, colombophile de haute stature, emprisonné dans les camps allemands au cours de la 2ème guerre mondiale. Il deviendra "l'ogre de Rominten" en raptant des enfants pour une école para-militaire nazie. Ce monstre naïf ignore qu'ils sont destinés à servir de chair d'assaut... A la fin, il sauve un de ces enfants, juif, en le portant, tel St Christophe, sur son dos dans les marécages. 

           Lecture inoubliable tout comme la voix de Dietrich Fischer Dieskau.

           A l'annonce de sa mort, j'ai eu bizarrement l'impression de perdre un ami, un oncle, quelqu'un de très proche et qui aurait compté  fort dans ma vie.

      A quel point les artistes, sans le savoir, nous prodiguent l'essentiel!

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 20:27

Et si Pénélope n’avait pas été si patiente, si son corps ne s’était pas desséché pendant vingt ans sur les fils de sa toile ? Briser le mythe de ce parangon de fidélité ? Imaginer une autre histoire pour ce corps de femme jeune et gorgée de vie ?

 Une idée séduisante que Giono a exploitée dans un texte magnifique intitulé : Naissance de l’Odyssée.

A redécouvrir pour tous ceux qui sont entichés du verbe de Giono. Pour une petite mise en bouche, je vous en livre un extrait :

« Elle s’arrêta à l’endroit où le rocher ouvert par les racines d’un micocoulier béait de haut sur le golfe. Elle but avidement le souffle des premières risées. Des émois parallèles troublaient le ciel et la mer : des écumes, et des nuées aussi blanches que des écumes.

-          Ta maîtresse couche bien avec un berger !

-          Où est le mal ? Elle obéit à la loi. Devait-elle toujours attendre, garder sa chair vivante pour le seul souvenir d’une carcasse roulée sur qui sait quelle plage ? Avait-elle eu son content d’amour ? Avait-elle déjà donné son content d’amour sur la terre ? Les ombres aiment comme des mélanges de vent, mais les chairs sont sous la loi d’Eros, donner les joies de sa chair et partager les joies de sa chair entre les vivants pour que la grande flamme flambe. "

giono au Parais 001

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