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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 14:59

 

 

Où va le verbe

 

Vainement il divague

 

Ou vague

 

A l'âme

 

Où va le verbe?

 

Créateur de diable

 

Vauvert

 

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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 15:40

Article-Provence-14-juin.jpg

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 18:24

Portée des mots 2La portée des mots 3Portée des mots 3dédicace en musique librairie portée des mots 2 juin

Merci à mon complice à cordes en tous genres et pour toujours, à ceux qui ont goûté le texte, l'ont savouré ou donné à vivre aux autres. N'hésitez pas à poster vos retours de lecture sur mon blog!

Littérairement vôtre

 Isabelle

 

 

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 21:47

Librairie la Portée des Mots, 34 rue des frères Kennedy 13 300 Salon de Provence

INVITATION
Rencontre d'auteur
Lecture musicale - Dédicace

L'Homme aux pas de lune

Isabelle Combelles

Ed Terriciae - Coll Gaia

Samedi 2 juin - 17h à 19h
Isabelle Combelles, accompagnée du guitariste Yves Treillet, nous fera une présentation et une lecture en musique de son livre L'homme aux pas de lune à partir de 18h.

« Ils se turent durant le « bridge », écoutant attentivement les guitares, marchant ensemble sur ce pont musical, côte à côte, pour ne pas briser la connivence joyeuse que le chant avait nouée entre eux. Ils étaient les meilleurs camarades du monde, rentrant de l'école, du bureau, de la guerre, de l'église : ils entonnaient, de concert, le refrain qui leur donnait du courage, soudait leur destinée, abolissant l'insupportable solitude. Leurs voix mêlées prenaient enfin la force d'un lendemain. »

Avec un style très poétique, mêlant les tonalités, ce roman fantastique nous plonge dans l'univers des contrefacteurs de stars, à travers le personnage d'Alan, sosie professionnel de Michael Jackson. Au fil de ses aventures et de sa fascinante évolution, nous croisons des chanteurs désespérés, des écrivains ressuscités et des adeptes de l'avatar thérapeutique…
Que fera à son tour le romancier, ce grand faussaire de l'identité, en découvrant que ses propres personnages finissent par lui échapper ?

Entrée libre.
Librairie La Portée des Mots - djcincerti@gmail.com - www.laporteedesmots.fr

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 17:50
Photos de couverture de : L'Homme aux pas de lune d'Isabelle Combelles

Par  Editions Terriciaë : http://www.editions-terriciae.com Ce roman sera disponible sur le site de l'éditeur à compter du 13 avril 2012 et en librairie deux semaines plus tard.Nous serons présents à la "Fête du Livre et du vin" le 14 avril à Rognac dans le cadre de la manifestation "Lire Ensemble"

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 16:24

                        Bambi Blues

 

 

 

Il plongea. Il percuta l’onde bleue dans un fracas de fin du monde quand l’eau claque le corps pour  le mieux  submerger. Tel un cachet effervescent en dissolution instantanée, le chagrin comprimé remonta en bulles bruyantes tandis que les tristesses contenues  s’écoulaient enfin dans cette chaleur liquide proche des larmes. Fi des bleus à l’âme où le corps fluidifié reconquiert la béatitude de la flottaison originelle, enfin libéré de cette terre qui vous calcifie. Un crawl désespéré acheva d’épuiser ses tourments. Ses pieds battaient l’eau frénétiquement et sa tête émergeait toujours du même côté avec surgissement régulier d’une bouche grotesque de gargouille en manque d’air. D’ordinaire, lorsqu’il noyait son chagrin dans une piscine, il visualisait, en nageant, les films où les héros se baignent infiniment dans des bassins bleus chlorés. C’était une façon économique de s’offrir plusieurs divertissements à la fois : une sorte de combiné ciné-piscine, avec un seul ticket, multipliant les évasions. Ainsi retrouvait-il Juliette Binoche, l’héroïne du « Bleu » de Kieslowsky, faire son deuil en longueurs de brasses et de planches silencieuses ; « La Piscine » de Jacques Deray où le couple Delon-Schneider multiplie les poses lascives dans un bleu-soleil-cigale qui finit par virer au glauque ou encore Ludivine Sagnier offrant voluptueusement l’ondulation de son corps de sirène aux regards bleu-gris  de Charlotte Rampling dans la « Swimming pool » de François Ozon. Mort bleue !

Immersion dans le silence des profondeurs, remontée en surface dans le vacarme assourdi des sons de piscine répercutés par les dalles et les baies embuées. Pourtant, ce jour-là, dans la surdité aquatique, son cœur qui battait puissamment lui envoyait les basses et les percussions des chansons de Mickaël Jackson. Des ondes étranges, venues d’on ne sait où, lui balançaient l’intro légendaire de Van Halen dans « Beat It ». L’eau saturée de guitare électrique vibrait follement et il réalisa qu’il crawlait, à son insu, au rythme de ce tube planétaire : « Beat It ! Beat It ! ». Il résolut aussitôt de s’en sortir par une brasse mais aussitôt il brassa « Billy Jean ». Son corps entier ressemblait à une éponge gorgée des chansons du roi de la pop qu’au moindre mouvement il exsudait. L’omniprésence médiatique de la musique de « Wako Jacko » avait opéré en lui comme une sorte de transfusion : ses globules chantaient Jackson, ses cellules en portaient les notes, les orchestrations, les bribes de texte : son foie filtrait du « Bad » ; ses poumons inspiraient « Heal the world » ; son estomac broyait « black or white ». C’était un empoisonnement musical définitif comme, pour tout un chacun, avec la marche turque de Mozart, la neuvième de Beethoven ou l’album rouge des Beatles. Il semblait condamné, comme Sisyphe, à rouler « Rock with you » jusqu’à la fin des temps pour avoir osé fredonner les mélodies d’un mortel aspirant à se hisser au rang des dieux.

Il avait appris la mort de l’idole la veille, comme des millions de gens. Abasourdis. Meurtris. Lui, se trouvait au volant de sa voiture, coincé dans un embouteillage sur le port de la Joliette à Marseille. Entre deux passages en première pour progresser de vingt mètres, il observait à loisir le Daniele Casanova en partance vers la Corse tandis qu’à quai, une longue file de voitures aux galeries encombrées d’objets hétéroclites se préparaient à franchir la méditerranée pour retrouver les leurs.  Et puis, d’un coup, dans ce va et vient rassurant sur la Grande Bleue, ce mouvement pendulaire du voyage de la vie avec ses appels au large, la voix d’un journaliste à la radio envoie l’irrémédiable. La mer se fige alors en un bleu d’encre, les flux s’arrêtent, le monde stoppe un instant préludant la vague. Elle ne tarde pas, quelques secondes encore et le raz de marée engloutit tout sur son passage dans les flots du blues, ou plutôt du rock, ou de la soul, on ne sait plus. D’aucuns ont prétendu que la mort de Mickaël Jackson avait été « le 11 septembre de la musique pop » mais ce serait plutôt  un tsunami musical : un chanteur charismatique envoie, par sa mort, un déluge biblique lui permettant d’entrer dans la légende.  « Beat It, beat It » : par quels moyens quand le cœur s’arrête de battre, justement, quand la pulsation intérieure s’éteint ?  Il n’avait plus rien entendu, ni les pleurs des fans, ni Kenny Ortega préparant  son film « This is it », ni les chansons diffusées en boucle, ni les hommages hypocrites ou sordides des proches et des moins proches dont certains avaient passé leur temps à transformer en enfer la vie de l’homme qu’ils regrettaient bruyamment.

Rentré chez lui, rue Sylvabelle, il ne résista pas à la fascination de la télévision, grande prêtresse des oraisons et shows mortuaires. Toutes les chaînes faisaient leur une du décés de la star avec overdose d’images : le petit Mickaël si attendrissant avec son « big nose » et sa superbe voix d’enfant, les concerts mégalomanes avec luxe de costumes et avalanche d’effets spéciaux, les clips à la créativité provocante, des photos, des bouts d’interview. Et puis, une ambulance, la façade d’un hôpital, le désespoir des proches. Des fans étaient interviewés également. Les plus allumés ne croyaient pas une minute à la mort de Mickaël Jackson : carrément foutaise ! Encore un coup monté par le producteur Sony pour palper du pognon ; ou alors, une volonté bien compréhensible de « Bambi » de se volatiliser pour échapper définitivement aux pressions et aux diffamations de cette presse-people, tant de fois épinglée dans ses chansons, en vain. « Leave me alone ! » leur chantait l’artiste en s’ingéniant, dans un même temps, à les attirer : jeu mortel qu’il avait probablement fini par perdre.

            Il coupa la télé. Il en avait assez entendu. Il accorda sa Takamine et joua « Billy Jean » dans une version blues récemment travaillée avec ses acolytes. Laissant peu à peu évoluer l’inspiration vers quelques ballades des Beatles, il improvisa sur la  «  gamme blues », cette gamme pentatonique mineure avec sa quinte diminuée : la fameuse note bleue. Cela finissait toujours par le morceau « Roll over Beethoven » de Chuck Berry dans la version Beatles avec Lennon à la guitare (Mac Cartney à la basse). La fin de ce blues d’anthologie sonnait l’heure de la prière. Posant sa guitare sur le canapé, il attrapa une statuette de la vierge qu’il avait dérobée sans honte dans la niche d’angle d’un immeuble du Panier. C’était une figurine de plâtre très kitsch dont la peinture avait beaucoup pâli : les prunelles de la madone semblaient délavées par une pluie de larmes, la robe rouge avait viré au rose tendre tandis que son manteau, jadis bleu nuit, s’était retourné du côté de l’azur. Glissant ses doigts à l’intérieur de la statuette, il en sortit une enveloppe pliée en quatre. Les vrais toxicos affectionnaient ce genre de planque pour l’héroïne ou la coke mais lui ne mangeait pas de ce pain là. Il se contentait  de fleurs et de feuilles séchées de chanvre, c'est-à-dire de cannabis, qui ressemblaient à des feuilles de thé vert et qu’il se roulait avec du tabac. Un bâton d’encens, en somme, dont il aspirait goulûment les volutes en les accompagnant d’un verre de gin Saphire et de la voix bluesy, chaude et planante de Madeleine Peyroux. Ces trois composants réunis le transportaient illico au fin fond d’une boîte de jazz new-yorkaise.

« There’s perfume burning in the air

  Bits of beauty everywhere…”

La guitare “Martin” égrenait ses sonorités élégiaques depuis les enceintes sur lesquelles s’amoncelait un fouillis de paperasses. Sur le dessus, une enveloppe en papier kraft qui contenait son contrat de travail pour le centre culturel de St Henri dans le 16ème arrondissement, sembla émettre de légers froissements, comme les froissements de son propre cœur ému : « This is it ! ». Il ne serait plus l’intermittent du spectacle qu’il avait toujours été, adieu l’artiste réussi-raté vivotant de notes infortunes. Il allait devenir, avant tout, un professeur, avec un vrai salaire régulier, pour un travail diurne, à heures fixes. Il enseignerait la gratte à tous ces marmousets qui rêvaient de devenir René Bartoli, Django Reinhardt ou Eddy Van Halen. Il se reverrait à travers leur fougue, leurs illusions désespérées rivées aux cordes. Lui aussi y avait cru, lui aussi s’était coiffé à la John Lennon de l’album bleu, lui aussi avait été un maigroulet en jean étroit qui taquinait la pédale d’ampli pour le solo qui tue. N’avait-il pas connu l’euphorie des scènes dont l’addiction reste la pire de toutes, la seule qu’on ne puisse remplacer ?

« But I’m all right, I’m all right, I’v been lonely before” Chantait toujours Madeleine dans son verre de gin comme dans les verres à liqueur coquins des restaurants asiatiques au fond desquels surgissent des femmes dévêtues dans des poses suggestives. Si seulement le diable pouvait lui apparaître comme il avait daigné le faire pour Faust, armé d’un solide contrat : six mois de tournée internationale avec Madeleine Peyroux contre le reste de sa vie. Il n’eût pas hésité une seule seconde. Mais il se faisait tard, le diable devait traîner à Bercy ou au Zénith dans le sillage de quelque grosse pointure. Les temps s’avéraient prospères, le démon n’avait cure des artistes ratés, des maudits sans scène ni notoriété. Quant au bon dieu, il devait à présent réaliser son rêve de toujours : se faire enseigner le « Moonwalk » par Mickaël en personne.

Trop tard. Décidément. Un fond de gin dans le verre, la bouteille de Saphire vide et le C.D qui repartait :

« There’s perfume burning in the air

Bits of beauty everywhere

Blue alert! Blue alert…”

Sur l’étagère de la salle de bain, le contenu du tube turquoise de Domorphol lui offrirait l’occasion de déguster ses dernières gorgées avant de se laisser sombrer dans de douces vagues de quintes diminuées, l’infini fabuleux des notes bleues…

 

 

 

 Ses muscles réclamèrent un temps d’arrêt. Il s’agrippa à la barre du plongeoir numéro trois pour reprendre son souffle. Dans les couloirs voisins, marqués par des chaînes de flotteurs rouges, les autres nageurs semblaient poursuivre inlassablement leurs longueurs ou langueurs à la queue leu leu : braves petits soldats aquatiques, si disciplinés dans l’effort. Mais quels secrets cherchaient-ils à diluer ? Quels chagrins s’acharnaient-ils ainsi à expier dans l’écume ? L’un d’eux sortit pourtant de l’eau en prenant appui sur le bord et en faisant une traction avec les bras. Il l’observa. L’homme portait le même maillot bleu marine que lui et le même bonnet noir sur la tête. Un nageur parmi tant d’autres…Et pourtant, avec ses petites lunettes de natation ridiculement ventousées à ses yeux, il présentait une ressemblance troublante avec John Lennon : la même mâchoire carrée, la bouche fine, la carrure, l’allure, même en maillot de bain et, par-dessus tout, ce regard incertain des myopes dont la faible acuité semble compensée par une sorte de clairvoyance intérieure qui leur confère cet air un peu illuminé. Lennon, ou plutôt le nageur qui ressemblait à Lennon, prit la direction de la pataugeoire ou des toilettes à l’autre bout de la piscine.  Cette apparition l’amusa et le divertit un instant de ses obsessions. Son « Mickaël blues » la mit en sourdine et il eut envie d’observer de plus près cette ressemblance peu banale. Ce n’est pas tous les jours que l’on croise à la piscine le sosie d’un Beatles ! Certains sont même prêts à payer cher pour cela ! La curiosité le poussa donc à s’extirper de l’eau à son tour. Il s’efforça de ne pas gêner la kyrielle de nageurs en maillot bleu marine et bonnet noir alors qu’il traversait une partie de la piscine en largeur. Il reçut le coup de palme d’un crawleur zélé, le regard noir embué d’une acharnée du dos crawlé mais parvint à gagner l’échelle pour s’extraire du Léthé.

            Jambes un peu flageolantes d’avoir retrouvé la verticalité pesante, plantes des pieds chatouillées par le relief des petits carreaux au sol, il suivit la direction de l’étrange « Nowhere man » et finit par l’apercevoir à l’espace douche, dans un recoin, à gauche de la pataugeoire. Il avait retiré ses lunettes mais conservé leurs marques autour des yeux comme des tatouages définitifs de bésicles grotesques. A ses côtés, les trois autres douches étaient occupées par une blonde de soixante ans, c'est-à-dire une blanche colorée, un quadragénaire sémillant et un grand black musclé plutôt jeune, s’aspergeant à qui mieux mieux. Tous portaient l’éternel maillot bleu marine, à deux pièces pour la femme, comme s’il s’était agi d’un uniforme.

« C’est vraiment incroyable ce que vous ressemblez à John Lennon ! On a déjà dû vous le dire, non ? » Osa-t’il.

            L’interpellé le toisa, incrédule :

« Ca fait longtemps qu’on ne me l’avait pas faite celle-là ! Toi, t’es nouveau par ici ! »

Tous, sous leur douche, se mirent à ricaner, leurs corps gesticulant sous les jets de vapeur d’eau comme dans la « Danse macabre » d’Holbeïn, si bien qu’un instant, il eut la vision atroce, insoutenable, des douches mortifères de l’Histoire. Il dut parler pour se ressaisir :

« Je voulais juste vous dire qu’une telle ressemblance est franchement fascinante. J’ai un ami qui gagne sa vie en faisant le sosie de Johnny, ça paye. »

Le simili Lennon rétorqua :

« Le problème c’est que je ne suis pas la copie mais l’original, tête de nœud ! »

_ Ah ! La bonne blague ! Je suis peut-être une tête de nœud mais l’hosto psy pour les givrés c’est par là ! Enfin, faudrait quand même parler un peu anglais pour que ce soit plus crédible. Vous vous rappelez quand même que Lennon était anglais, non ? »

_ Mais qu’est-ce qui m’a foutu un connard pareil ! Nous parlons tous la même langue ici, t’as pas encore remarqué ? Bon, écoute maintenant, le mec qui m’a buté a prétendu qu’il voulait se « libérer de moi », moi, c’est de toi que je veux être libéré, alors, dégage, trou duc ! »

            Le soi-disant Beatles mima un pistolet avec sa main droite et feignit de lui tirer dessus en émettant des « Pan pan ! Pan pan ! » puérils. Cela lui passa définitivement l’envie de prendre une douche en compagnie de ces morts-vivants et encore moins de causer à ce type qui avait visiblement perdu l’esprit. Quelle drôle d’aventure ! Il s’éloigna.

 Il croisa des gens qui discutaient au bord des bassins. Certains d’entre eux lui semblèrent familiers par leur silhouette, un trait de leur visage, le son pourtant assourdi de leur voix. Une étrange sensation l’avait envahi peu à peu…Il essaya de se concentrer sur sa pulsation intérieure qu’il n’arrivait plus à percevoir…

 A la pataugeoire, des enfants s’agitaient. Eux aussi portaient ce maillot de bain bleu marine mais la plupart n’arborait ni bonnet ni lunettes. Un blondinet assez maigre, pâle, d’environ huit ans s’en donnait à cœur joie avec un ballon jaune. C’était probablement un casse-cou car il avait un œil au beurre noir impressionnant, mêlant le bleu violacé au jaunâtre.  La vue de cette auréole oculaire lui évoqua aussitôt une très belle photo de Mickaël Jackson où la star porte un maquillage circulaire bleu pailleté autour de l’un de ses yeux. Il se souvenait bien de ce cliché sur lequel le chanteur avait l’air d’un joli clown triste et sophistiqué. En le contemplant, il s’était dit qu’il révélait le personnage à merveille : un bel artiste talentueux à strass et à paillettes, meurtri par les bleus à l’âme, lesquels finissaient par percer désespérément sur sa peau comme les stigmates de la condition qu’il s’était forgée. Ah ! Cet œil bleui du dandy-danseur blessé, le cerne de nuit de l’étoile perdue…

            Il s’était approché des vitres censées ouvrir sur l’extérieur mais la buée accumulée obstruait toute visibilité. On n’aurait su dire s’il faisait jour, nuit, soleil ou grisaille : la vapeur d’eau faisait écran, cloisonnant les mondes. Il n’y avait plus qu’à retourner nager avec les autres, dans le grand bassin chaud.

C’est alors qu’il perçut une effervescence particulière derrière lui : des éclats d’eau et de voix  lui parvenaient avec cette résonance sourde et démultipliée, caractéristique des ambiances de piscines couvertes : « Bambi ! Bambi ! » Criaient des enfants. Il se retourna. Au milieu des éclaboussures joyeuses de la pataugeoire,  à dix mètres de lui à peine,  il vit, tout à fait distinctement … Mickaël Jackson, the king of pop, himself. C’était bien lui, avec son terrifiant petit nez en trompette comme redessiné par les studios Walt Disney ; ses cheveux noirs sortis tout droits d’un manga japonais, sa fossette de chirurgie, son maquillage permanent et son corps gracile d’éternel adolescent. Il portait, pour une fois, le même maillot bleu marine que tout le monde et n’était pas en reste côté gamineries : riant, s’amusant, éclaboussant les autres enfants de la pataugeoire au point qu’il était étonnant qu’aucun maître nageur ne fût  intervenu pour mettre le holà. Mais peut-on gourmander Mickaël Jackson ?

Fasciné, il observait cette scène incroyable : l’artiste facétieux entouré d’enfants turbulents, chahutant à qui mieux -mieux dans ce Neverland aquatique. Plus que jamais, tout son corps chantait en ondes harmonieuses. Il n’était désormais que son, musique, âme en vibration … Il allait s’approcher de cet être rayonnant, descendre vers lui dans l’eau bleue aux notes sacrées pour recevoir l’autre baptême.

 

 

 

 

 

 

 

Œuvre primée en 2011 et publiée.

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